Anxiété sociale, la mienne

Ca y est, voilà un des articles qui pataugeait dans « mes brouillons » depuis des années. Franchement c’est pas un sujet super folichon et il n’intéressera pas tout le monde, peut être ceux qui se demandent ce que c’est, ou ceux qui sont concernés directement ou indirectement ou ceux qui croient que c’est du flan, de l’exagération de « timidité » et qui veulent voir s’ils ont raison ou pas. Sinon, clairement, sois tu n’as pas cliqué sur l’article, sois tu peux t’arrêter là.

L’anxiété sociale, je te ferai pas de définition, tu en trouveras à foison sur le net. Je te parle ici de la mienne, ma mienne à moi, sa façon à elle d’exister, parce qu’évidemment c’est comme tout, chaque humain ressent les choses à sa manière.

J’aime les gens, j’aime ce qu’ils m’apportent, j’aime les échanges authentiques et directs, les connexions, j’aime ce que sont profondément les gens, je pense que chacun de nous est magnifique et renferme une fantastique et riche singularité.

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Depuis quand ça m’enquiquine?
J’ai une belle rétrospective sur tout ça maintenant et j’ai donc éclairci pas mal de choses et ai donc conscience du mécanisme.
Disons déjà que, « depuis toujours », j’ai un sentiment de distance avec les Autres, j’étais celle qui parle très peu (à part en famille, quand je me sentais en sécurité et « autorisée »), on me désignait comme « petite » et « timide ». Intérieurement je ne me sentais pas comme ça (merci les étiquettes pourries), j’avais simplement pas envie de parler pour rien. J’entrais également dans un mutisme et une terreur atroce lorsque j’étais en face d’inconnus ou de peu-connus et je pouvais partir dans une détresse et des pleurs incontrôlables si ma mère osait sous entendre qu’elle allait me laisser avec ces gens qui ne m’étaient pas familiers. C’était ici déjà l’indice d’un mal-aise entre moi et les Autres. Bref, j’ai beaucoup pleuré, beaucoup eu peur et beaucoup tu mes paroles.
Mais, au delà de ces moments de séparation, mon état de silencieuse n’était pas un problème pour moi, être la copine qui « suit » les idées, qui écoute, et qui ne parle que si elle le veut, ça n’était pas un soucis, à ce moment là le regard des autres, leurs opinions sur moi je m’en cognais et n’en avais absolument pas conscience, ça ne me touchait pas. D’ailleurs, cet état de « détachement » était déjà ici le reflet de cette absence de sentiment d’existence, ou disons que je ne me sentais pas « concernée » par les choses (note que c’est encore beaucoup le cas aujourd’hui). J’étais enfant et les interactions sociales liées à mes besoins de base (manger, boire, avoir un toit) étaient assurés par mes parents, je n’avais donc à m’occuper de rien, ni même à donner mon avis de toute manière.
Donc, logiquement, mon anxiété sociale s’est ré-vé-lée, à la pré-adolescence, au collège, aux alentours de mes 12 ans (d’ailleurs, clairement mes 12 ans restent l’âge auquel je fais énormément référence sur tout un tas de truc concernant mon enfance et mes problèmes). A mes 12 ans, mes parents se sont séparés, mais ce qui a enclenché mes problèmes c’est qu’à 12 ans, ma mère bossant comme une malade et mon père n’ayant pas notre garde, j’ai été littéralement livrée à moi même. C’était parti, PAF, du jour au lendemain il a fallu que je gère ma vie seule, face au monde, sans les jambes de ma maman derrière lesquelles j’aimais tant me réfugier et me sentir en sécurité. Les trajets pour le collège, la paperasse, les repas, les devoirs, mes affaires, enfin bref, tout le Monde avait été posé là devant mon pif « voilà, bon on a assez bossé pour toi, t’es grande, j’ai pas le temps, maintenant tu te débrouilles avec tout ça ». Et c’est devenu oppressant, angoissant. Il n’y avait plus aucun filtre entre moi et les Autres. Les plus grosses difficultés sont apparues vraiment à l’âge adulte, quand là, de nouveaux bazars se sont accumulés sur le gros tas de choses à gérer à l’extérieur: la recherche de boulot, le boulot, les collègues, l’administration, les rendez vous médicaux, les rencontres, les soirées entre amis, etc. C’était le parfait mélange pour faire grossir mon stress intérieur, jusqu’à ce qu’il ne s’éteigne plus et envahisse tout mon espace intérieur.

Comment ça se manifeste
Concrètement, cela se reflète physiquement par une colonne ascendante de catécholamines, une sécrétion puissante, brulante qui souvent me plie en deux, j’ai du mal à me tenir droite. Ca se ressent principalement dans le thorax et l’abdomen, parce que le symptôme toujours présent c’est la tachycardie, mon coeur bat vite et j’ai du mal à respirer, j’ai besoin de reprendre de larges respirations parce que les muscles du thorax compressent mes poumons et ma colonne vertébrale. J’ai donc l’envie de gonfler fort mes poumons pour qu’ils détruisent l’étau qui les enserrent. J’ai parfois des bouffées de chaleur, j’ai chaud au corps et froid aux extrémités, quelques tremblements parfois. Je suis souvent paralysée. Tout ce que je viens de décrire est probablement comparable à du trac, du stress hein, mais la différence, c’est que ces sensations se produisent pour des tas de choses du quotidien et ne s’arrêtent pas rapidement, elles durent plusieurs heures voire plusieurs jours.
Durant ces contacts sociaux difficiles, j’ai du mal à regarder longtemps dans les yeux, je suis totalement noyée par le stress et je ne maitrise plus vraiment mon comportement et mes mots. Disons que je peux faire bonne figure et avec du bol, ça passe crème, mais parfois je peux totalement bafouillée et sortir des trucs absurdes (qui donne vraiment l’image de la cruche qui dit un truc incompréhensible).
Avec les années je connais tellement ces sensations insupportables que j’ai mis en place tout un tas d’évitements, erreur banale mais indispensable pourtant!
Parce que clairement, que me dit mon cerveau? « hé ho, moi je peux pas te faire vivre sous stress de façon permanente ma mignonne, tu t’imagines bien hein, ton corps il est pas fait pour ça, donc tu m’évites toutes ces conneries de situations qui nous mettent dans un état à la con, ok? Normal.

Dans quels cas ça se manifeste
Au jour où je vis, il y a des choses que je ne suis pas capable de faire, d’autres qui me font souffrir et pour lesquelles je lutte tous les jours pour les accomplir, et il y en a d’autres que j’ai appris à faire et dont j’ai surmonté l’angoisse.

Ces angoisses se manifestent dans ce genre de contextes :

-sortir de chez moi et croiser du monde (voisin, parent d’école, connaissances, etc)
-passer un coup de fil/répondre à un coup de fil
-répondre à quelqu’un qui frappe à ma porte
-aller aborder quelqu’un de façon non prévue

-me rendre avec mes enfants à un endroit que je ne connais pas
-me rendre seule à un endroit que je ne connais pas ou peu
-me retrouver seule avec quelqu’un que je ne connais pas ou peu
-me retrouver seule au milieu du monde où on est là pour échanger de façon informelle (fête, mariage, cafèt’, ou tout autre soirée)
-prendre la voiture et conduire hors des routes que je connais

En rouge, je suis clairement dans l’évitement, c’est tellement paralysant que je préfère m’y frotter le moins possible (pour le moment), ça a été phobique durant certaines périodes, ça l’est moins maintenant.
En orange, j’angoisse énormément mais je peux le faire même si j’évite au maximum.

A force d’investigations, de questionnements intérieurs, ces situations d’angoisses ont clairement été identifiées:
Tout contexte dans lequel les relations sont floues et où je ne sais pas ce qu’on attend de moi.

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Dans les situations du haut, je n’ai pas d’angoisses plus élevées que la moyenne je pense, je ne ressens pas l’oppression qui m’empêche d’être moi même.
Dès que les attentes sont floues, non claires, c’est la cata. Quand c’est l’inconnu quoi! Parce que l’inconnu m’apparait comme un danger. C’est un peu dont je parle dans mes podcasts sur la politesse (Cf  la page tout en haut « Parents en Or »), mais c’est encore plus large que seulement le soucis de la politesse. Dès que je suis face à quelqu’un dont je n’arrive pas à lire les attentes (« est ce que c’est quelqu’un avec qui je peux parler de ma vie privée sans que ça ne le choque? » « est ce que je peux lui demander comment va sa grand mère malade sans que ça ne le choque? » etc), tout comme j’ai du mal à identifier si le contexte s’y prête. Est ce que cette personne voudrait que je lui demande comment va sa santé? ou alors cela l’a dérangerait? Est ce que ça se fait de dire que je viens de me faire déboucher une oreille? ou est ce que ça se dit pas dans ce contexte avec cette personne?
Voilà, des contextes variés avec des gens dont je ne connais pas les « attentes implicites », c’est dur pour moi, parce qu’en plus je sais que je vais être jugée sur ça « rha, elle a eu l’audace de me parler de mon deuil en pleine rue! » « nan mais ça se fait pas, elle vient me parler que pour me poser des questions sur mon boulot, c’est que par intérêt! ». En plus, très honnêtement, j’aime pas parler de la pluie et du beau temps, j’ai beaucoup de mal avec les sujets de surface, le small talk, en fait, je déteste ça, je sais pas faire.

Alors parfois, je dois passer un peu pour une alien quand je demande « on se fait la bise à chaque fois ou est ce que tu t’en fous toi? » « et sinon, c’est quoi ton prénom? » (on côtoie un paquet de gens dont on ne connait même pas le prénom!).

Très difficile pour moi les situations non claires, non formelles, non définies.

On m’a déjà parlé du syndrome Asperger et j’avoue m’être intéressée à ça un bon moment. Je ne pense pas être concernée, à part les soucis sociaux, j’ai bien du mal à me reconnaître là dedans, par contre, je suis convaincue que le spectre autistique est bien plus présent dans le monde qu’on ne le croit car il atteint beaucoup de personnes selon des degrés parfois légers.

« Mais tu te prends trop le chou! Sois toi même et c’est tout! »

Mon homme me dit ça parfois. C’est croire que c’est contrôlable, volontaire et choisi. Tenter de contrôler toute cette anxiété c’est comme demander à quelqu’un de contrôler son rythme cardiaque ou même tout simplement le stress que tout le monde ressent! Ca marche de dire à quelqu’un « arrête de stresser, ça sert à rien!« ?
Au delà de ces remarques inutiles, malgré la difficulté que ça demande, oui, je suis convaincue que ça se travaille, que petit à petit, on repousse les frontières de sa zone de confort, que tout doucement on se libère de ces angoisses. C’est absolument possible, je le constate sur moi sans aucun doute!

Mes avancées
J’ai progressé, mais j’te dis pas! En plusieurs années, c’est incomparable, j’ai carrément élargie ma zone de confort. Franchement la Cendra d’il y a 10 ans serait le cul de voir ce que j’arrive à faire maintenant.
J’ai agrandi ma zone de déplacement géographique de façon gigantesque.
J’ai agrandi le nombre de contextes sociaux auxquels je peux participer.
Je me suis ouverte à ma belle famille.
Je discute avec des gens et je m’autorise à avoir des discussions plus profondes.
Je me donne de l’empathie et de l’indulgence et m’autorise à ne pas avoir envie et donc à m’écouter.

 

Bon, c’est bon, je crois qu’on est pas mal là, j’ai fait un petit tour du bazar. A voir si ça te parle, si toi aussi tu portes quelques fardeaux sociaux. Franchement j’aimerais bien savoir si toi aussi les rapports sociaux c’est de la semoule et que tu patauges. Hésite pas, partage.

5 réflexions au sujet de « Anxiété sociale, la mienne »

  1. Céline Dehors

    vu que mon commentaire a fonctionné sur ton article sur la mort, je retente pour celui-ci :
    (je l’avais enregistré)

    Bonjour Cendra.
    Pour ma part, je ne pense pas avoir d’anxiété sociale. Il m’arrive d’en avoir, comme tout le monde peut en avoir. J’en discutais avec ma fille il y a peu car, plutôt à l’aise il me semblait (elle ne s’est jamais cachée dans mes jambes, dit bonjour sans problème), elle m’a dit un jour : « J’ai parlé avec la dame et c’était incroyable : je n’ai pas ressenti de tristesse là, je n’ai même pas eu envie de pleurer. » Je me suis alors rendue compte qu’elle aussi ressentait l’appréhension à parler à d’autres personnes. Je ne m’en doutais pas, je la pensais épargnée. Heureusement qu’elle parle !
    Bref, je ne pense pas ressentir d’anxiété exacerbée, mais souvent je ne sais pas comment faire. Là, je ne me sens pas bien (sans devenir malade) et je perds mes moyens. Je deviens muette, absente, amnésique. Je suis fortement influencée par ma mémoire émotionnelle. Enfant, j’ai eu de mauvaises expériences sociales, que j’ai vécues avec de la souffrance parce que je ne me comprenais pas bien.
    Je ne crois pas non plus qu’il suffit d’être soi, je crains souvent d’heurter l’autre, de le choquer, de le rendre mal à l’aise… Comme toi, j’ai opté pour des questions sincères : “On se fait la bise quand on se voit ?” “On se tutoie ?” “Ca te va si je te parle de … ?” Les gens sont souvent surpris, ils ne savent souvent pas trop quoi me répondre et j’en déduis qu’ils ne savent pas trop non plus comment faire. Poser la question me soulage bien.
    Comme pour les enfants en général, j’ai plusieurs fois fait l’expérience de la « sécurité ». Quand j’ai suffisamment confiance en moi, quand je suis bien dans ma peau, quand j’arrive à me tenir droite, quand je souris… les choses sont beaucoup plus faciles et malgré toutes les inconnues, l’Autre se vit plutôt bien.

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    1. Cendra Auteur de l’article

      Je me crois souvent seule à galérer, en fait je le sais en vrai, consciemment, que beaucoup de gens ont des difficultés à aller vers les autres, à être au milieu des autres, mais finalement, les convenances ou je ne sais quelle retenue, ou pudeur, peut donner l’impression (en tout cas à mes yeux fragiles) que eux, ils assurent intérieurement. Te lire, me renvoie à ça, et je me dis que j’aimerais rencontrer vachement plus de gens qui posent les questions que tu cites! C’est vrai que les gens sont surpris, et pris de court, comme s’ils n’en avaient pas l’habitude et n’étaient pas préparés à ça. C’est logique finalement, même si c’est dommage.

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  2. Pierre

    Bonjour,

    la phobie sociale est un vrai handicape, malheureusement non reconnu et bénéficiant de traitement moyennement efficace… Avez-vous essayez de prendre un comprimé de bétabloquant (par exemple 20mg de Propranolol) avant un événement angoissant, ou en début de journée ? Ce type de médicament, fait pour luter contre l’hypertension à l’origine, bloque les récepteurs d’adrénaline et diminue fortement, voir annule, les symptômes inhérents à l’anxiété. Très utilisé par les musiciens, acteurs et politiques, pour contrecarrer le trac. Parlez-en avec votre médecin.
    Sinon, la phytothérapie peut aussi aider, amis je pense que depuis le temps vous avez essayer plusieurs plantes…
    Autre chose qui pourrait vous aider : https://troubledelanxiete.com/2018/12/19/reprogrammation-mentale-pour-lutter-contre-lanxiete-danticipation/

    Bon courage, il faut savoir que le phénomène diminue avec l’âge…

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